Expérimenter les humanités numériques

La Fonte Gaia : bibliothèque numérique et blogue scientifique

La Fonte Gaia : bibliothèque numérique et blogue scientifique

Filippo Fonio

Claire Mouraby

Filippo Fonio, Claire Mouraby, « La Fonte Gaia : bibliothèque numérique et blogue scientifique », Étienne Cavalié, Frédéric Clavert, Olivier Legendre, Dana Martin (dir.), Expérimenter les humanités numériques (édition augmentée), Presses de l’Université de Montréal, Montréal, 2017, isbn : 978-2-7606-3837-2, https://www.parcoursnumeriques-pum.ca/9-experimenter/chapitre12.html.
version 0, 01/09/2017
Creative Commons Attribution-ShareAlike 4.0 International (CC BY-SA 4.0)

Chapitre uniquement disponible dans la version numérique augmentée de cet ouvrage.

Le but de ce chapitre est d’illustrer l’historique et les enjeux scientifiques et méthodologiques du projet Fonte Gaia (décliné en Fonte Gaia Bib, bibliothèque numérique franco-italienne, et Fonte Gaia Blog, espace coopératif en ligne), porté par le CoBNIF (Consortium Bibliothèque Numérique Italo-Française) des Universités de Grenoble Alpes, Paris 3, Padoue, Bologne et Rome « La Sapienza ».

Ouvert à des partenariats multiples, Fonte Gaia s’est construit dans un aller-retour entre création d’un espace de gouvernance commun et déconcentration des moyens : les fonds à numériser sont repérés dans des bibliothèques françaises et italiennes, les contributeurs sont présents dans toute l’Europe, les moyens alloués sont répartis entre les partenaires.

En 2015, d’importantes étapes ont été franchies et Fonte Gaia est désormais un programme en plein essor. Les six années qui ont été nécessaires à sa structuration nous semblent revêtir un caractère exemplaire : la présente contribution tâchera de rendre compte des enseignements méthodologiques du projet que nous mettrons en évidence en quatre phases stratégiques.

Première phase : imaginer et convaincre

En 2009, le SID2SID : Service interétablissement de la documentation.↩︎ de Grenoble souhaite faire évoluer le CADIST Langue, Littérature et Civilisation ItaliennesLes CADIST (Centres d’Acquisition et de Diffusion de l’Information Scientifique et Technique) ont été créés à partir de 1980. Cf. Jolly (2006). La constitution du CADIST d’italien de Grenoble remonte à 1997.↩︎, à l’étroit dans ses missions d’acquisition de documents et de formation des étudiants. Comment rendre un service véritablement national aux chercheurs spécialistes de l’Italie en FranceCette volonté locale a des échos au plan national. Au même moment, en effet, le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (MESR) entame une réflexion à ce sujet, qui aboutit en 2014 et 2015 au projet de rénovation du réseau des CADIST baptisé CollEx. Cf. Kok (2014).↩︎ ? Cette première phase, créative, débute par une intuition (le rôle nouveau des CADIST est à chercher dans la création d’un réseau de bibliothèques et de chercheurs associés sur la base de projets et d’un programme de travail communs) et une démarche d’enquête auprès des chercheurs, visant à éclairer quels sont les services qu’ils attendent d’un pôle d’excellence. Un questionnaire a permis de mettre en valeur des éléments importants.

Selon la plupart des chercheurs interviewés, un CADIST devrait orchestrer la numérisation du patrimoine italien et italianiste, libre de droits, conservé dans les bibliothèques françaises, considéré comme trop peu accessible, et le rendre disponible à travers une plate-forme en accès libre. L’objectif est de créer une bibliothèque numérique de référence en faisant coopérer chercheurs et bibliothèques. Ce constat posé, les bibliothécaires du CADIST adoptent le rôle de médiateurs entre les chercheurs appelés à sélectionner des corpus et les bibliothèques qui conservent les fonds. Ils mettent à disposition leur connaissance de l’édition imprimée et numérique, leurs réseaux, leur expertise en matière de veille, d’opérations de numérisation, d’indexation et d’outils de diffusion et de valorisation. Les chercheurs proches du projet et de sa philosophie entreprennent un travail de conviction auprès de leurs tutelles et de leurs collègues : piloter des projets et mettre en place des réseaux de recherche fait partie de leurs missions. Conscients de leur intérêt à travailler sur corpus, mais aussi à vulgariser leurs travaux ainsi qu’à mieux les relier à la pédagogie, à diversifier les modalités d’accès à leurs publications, ils souhaitent innover, en matière de production scientifique et de développement d’interfaces. Il n’est pas encore question d’Humanités Numériques au sens qui se précise aujourd’hui, mais de créer des outils (une bibliothèque numérique enrichie et commentée, complétée par un portail de services, d’échanges et de débats inspiré de Fabula« Association de chercheurs » intéressés à la littérature et à la théorie littéraire créée en 1999, Fabula rassemble autour du projet d’un débat culturel et littéraire participatif basé entièrement sur le bénévolat une communauté qu’on pourrait considérer désormais très influente, et qui ne cesse de s’enrichir de nouveaux contributeurs et nouvelles initiatives. En savoir plus.↩︎), en permettant aux chercheurs d’en être les co-concepteurs ou les contributeurs sur la base du volontariat.

Fiche Ressources 1

RESSOURCES POUR IMAGINER ET CONVAINCRE
Atouts Difficultés
Conditions intellectuelles - Connaissance partagée des corpus italiens et italianistes conservés en France
- Présence à Grenoble d’un conservateur spécialiste d’études italiennes
- Convaincre de la légitimité de l’entreprise
- Constituer l’équipe
- Corpus local peu précieux
- Manque de compétences pour la création d’une interface
Conditions matérielles - Un équipement et des opérateurs de numérisation formés au SID2
- Un projet de bibliothèque numérique pluridisciplinaire au SID2
- Aucun budget spécifique à ce stade
- Subvention fléchée CADIST limitée à l’achat de documentation
Ressources humaines - 1 conservateur (10 %)
- 1 BIBAS (10 %)
- 3 magasiniers opérateurs de numérisation
- 1 professeur (5 %)
- 1 maître de conférences (10 %)
- Manque un Ingénieur d’Études pour l’étude et la création d’une interface de diffusion
Outils - Mail
- Outils de recherche documentaire pour le repérage des corpus
- Manque l’outil de diffusion des documents numérisés
- Manque un modèle de convention pour officialiser les partenariats

Deuxième phase : choisir et construire

En 2012 et 2013 le SID2 de Grenoble décide de la création d’une bibliothèque numérique pluridisciplinaire consacrée à la valorisation de son fonds ancien, et dont Fonte Gaia va bénéficier indirectement. En effet, un service de numérisation à la demande existe de longue date au SID2. Un scanner a été acquis et une équipe formée. Au fil des demandes de lecteurs, s’est constituée une collection hétérogène d’ouvrages numérisés qu’il convient de diffuser dans de bonnes conditions. Les chercheurs de Fonte Gaia et la conservatrice en charge du CADIST s’associent au projet et proposent la création d’une collection « Études Italiennes » en sélectionnant dans les réserves du SID2 des ouvrages rares et précieux. La plate-forme de diffusion est créée en une année, avec le SGCSGC : Système de Gestion des Contenus (Content Management System - CMS).↩︎ OmekaOmeka est un logiciel libre, exploitable sous licence Creative Commons, pour la création et la gestion des bibliothèques numériques, qui a été conçu en 2007 par le Roy Rosenzweig Center for History and New Media (RRCHNM). En savoir plus.
Voir également le chapitre 7 « Du digital naive au bricoleur numérique : les images et le logiciel Omeka » de Cécile Boulaire et Romeo Carabelli.↩︎
, sur le modèle, entre autres, de la bibliothèque numérique de l’Université Rennes 2Le projet des collections patrimoniales numérisées des pôles documentaires des Universités Rennes 1 et 2 compte aujourd’hui plusieurs volets, dont les centres d’intérêt vont du plan local (numérisation des collections régionales) à une vocation nationale (dont témoigne notamment le partenariat avec Gallica). En savoir plus.
Il a été réalisé avec le logiciel Omeka, ainsi que la bibliothèque numérique PULSAR de l’Université de Lorraine et le projet « Hydraulica » du SID1 de Grenoble.↩︎
. Peu coûteuseCf. tableau Coûts de développement de la plate-forme avec Omeka.↩︎ et évolutive, cette première réalisation concrète de Fonte Gaia a permis au projet d’avoir une visibilité sur Internet, et aux équipes d’acquérir le premier socle de compétences nécessaires au programme.

En même temps, les chercheurs et les conservateurs suscitent une rencontre avec la direction du Département de la Coopération de la Bibliothèque Nationale de France et la Direction des Bibliothèques Municipales de Grenoble, partenaires pressentis, qui témoignent d’un intérêt marqué pour leur démarche et les invitent à sélectionner dans leurs collections des corpus à numériser. Ces partenaires potentiels expriment également leur attente d’un cadre juridique (v. Phase 3 : Coopérer) et d’une étude de faisabilité. Cette dernière est réalisée par l’équipe du SID2, dont on donne ici un aperçu.

Étude de faisabilité : numérisation

ACTION 1 : NUMÉRISER
Scénario 1 Scénario 2 Scénario 3 Scénario 4
Marché public de numérisation décidé collectivement. Un seul établissement porteur Marché public de numérisation propre à chaque établissement sur corpus établis collectivement Intégration aux chaînes de numérisation de la BNF (pour les ouvrages issus de ses fonds) selon convention Numérisation en interne : SIC2 pour quelques cas très spécifiques validés en Comité Scientifique
Financement des actions de numérisation
Budget acquis collectivement sur appel à projet (ANR, ERC, BSN5, etc.) Budget propre à chaque établissement. Subvention BNF possible en cas de convention Budget et ressources humaines BNF. Pour les bénéficiaires : coût de transport uniquement Budget et ressources humaines propres au SIC2 ; pour les bénéficiaires : coût de transport uniquement
Ressources Humaines
- Pilotage scientifique : chercheurs et professionnels des bibliothèques
- Sélection des corpus : personnel scientifique ou bourse de recherche
- Suivi projet dans les laboratoires : chercheurs (décharge horaire)
- Suivi de projet dans les bibliothèques : conservateur ou bibliothécaire
- Préparation des trains de numérisation, réception, contrôle qualité : équipes bibliothèques, au moins 1 BIBAS et 2 magasiniers
Coût Numérisation seule évalué pour tous les scenarii à 1.25 € la page ; coût de l’archivage pérenne au CINES (Centre Informatique National de l’Enseignement Supérieur) : 5 000 € par téra-octet par an

Pour l’action 2, la création de la plate-forme de diffusion, trois scénarii sont soumis au comité de pilotage, comme illustré ci-dessous.

Étude de faisabilité : création de la plate-forme

ACTION 2 : DIFFUSER
Scénario 1 Scénario 2 Scénario 3
Outil code source ouvert, développement en interne Outil propriétaire, développement externalisé Solution hébergée en externe, abonnement des partenaires
Coûts
Devis du recrutement d’un alternant : 30 000 € ETP sur une durée de 2 ans si l’on passe par une société de portage ;
Devis de développement par un prestataire privé : 60 000 à 130 000 €
Devis de développement par un prestataire privé sur logiciel propriétaire : 60 000 à 130 000 € (investissement initial ; maintenance à prévoir) Devis Yoolib [12] : Forfait à partir de 125 000 pages
Installation : 6 650 € HT
Abonnement : 5 300 € HT par an
Ressources humaines spécifiques (hors suivi de projet)
50 % ETP d’Ingénieur d’Études pour maintenance, suivi et évolution, mise en ligne des fichiers 25 % ETP d’Ingénieur d’Études pour maintenance, suivi et évolution, mise en ligne des fichiers 10 % ETP d’Ingénieur d’Études pour suivi
Mode de financement
Fonctionnement et investissement dans l’infrastructure matérielle Fonctionnement et investissement Fonctionnement
Délais de réalisation à partir de l’obtention du budget
1 à 2 ans 1 an à partir du choix du prestataire (appel d’offre marché public) 3 mois à partir du choix du prestataire (appel d’offre marché public)

Étude de faisabilité : comparatif des scenarii

SGC10 code source ouvert SGC Propriétaire Solution hébergée
Avantages
Outil souple et évolutif ; possibilité de partage et d’enrichissement mutualisé et de remploi des scripts ; développement par société de service ou en interne avec recrutement ; conforme aux préconisations nationales en faveur de l’utilisation de logiciels libres (p.ex. ANR, CNRS) ETP interne moins élevé ; outil et maintenance délégués par contrat L’infrastructure matérielle n’est pas à la charge du consortium ; opérations comptables en sont facilitées
Inconvénients
Recrutement indispensable, maintenance à long terme et infrastructure matérielle à la charge des partenaires ; les membres fondateurs supportent l’essentiel des coûts à la mise en place Budget élevé ; architecture et outil peu souples et peu adaptables ; recrutement indispensable ; infrastructure matérielle à la charge du consortium ou du seul établissement porteur Architecture et outil peu souples et peu adaptables ; problème de la « propriété » du bien immatériel produit ; engagement financier fixe sur le long terme

Cette étude donne aux partenaires la possibilité de faire un calcul simple des coûts à engager en fonction de la taille de leur corpus. Le choix d’un outil en code source ouvert évolutif dont on ait la maîtrise est unanime. Le logiciel Omeka est privilégié car déjà développé à Grenoble et pour d’autres projets de bibliothèque numérique. Ce SGC n’offre pas toutes les performances que l’on attend d’une bibliothèque numérique savante mais reste souple et peut évoluer : des développements successifs sont possibles en interne. Ce choix permet d’échelonner les recherches de financement et les partenaires peuvent porter le projet à tour de rôle, évitant un abonnement qui pèserait durablement sur les finances d’un ou de plusieurs partenaires. Cela permet également de ne pas imposer de plancher de financement aux nouveaux entrants. Immédiatement après cette étude de faisabilité interviennent les signes tangibles du soutien institutionnel de l’Université Stendhal – qui témoignent de la volonté de conforter l’axe naissant « humanités numériques » à Grenoble : la même année sont en effet recrutés un professeur d’humanités numériques, un professeur dont le profil de poste s’intitule « italianisme et humanités numériques », une charge de mission Fonte Gaia est confiée à un maître de conférences, trois bourses doctorales sont accordées à des étudiants italianistes qui ont déjà auparavant montré un intérêt et la volonté de coopérer dans le projet. En outre, l’Université Stendhal s’engage à coordonner la rédaction d’un accord de consortium qui donnera toute sa place à l’Université Sorbonne Nouvelle Paris 3L’Université de Paris 3 est un partenaire essentiel pour le projet, autant pour des raisons historiques que pour l’engagement actuel de cet établissement sur le plan des études italiennes. Si l’italianisme français, en effet, naît à Grenoble à la fin du XIXe siècle, certains des pionniers de la discipline poursuivent leur carrière à Paris, ce qui a un impact aussi sur la dispersion des fonds libraires. En ce sens, le cas d’Henri Hauvette (1865-1935) est emblématique. Le SID2 de Grenoble conserve ainsi actuellement une partie du fonds « Hauvette », tout comme les livres dont il a demandé l’achat, alors que le reste du fonds et des acquisitions (à partir de 1906) se trouvent à la bibliothèque d’Italien et Roumain de la Sorbonne Nouvelle. De plus, l’Université de Paris 3 est actuellement le siège du CIRCE (Centre Interdisciplinaire de Recherche sur la Culture des Échanges), dont l’un des axes porteurs est consacré à l’italianisme.↩︎, qui a co-piloté avec Grenoble les débats et l’étude et se déclare tout naturellement le premier partenaire officiel du projet.

Désormais doté d’un outil de diffusion, le CADIST est le premier des partenaires à se porter candidat à l’appel à projet BSN5Cet appel à projet, lancé pour la première fois en 2013, concerne des financements pour la numérisation de corpus patrimoniaux ayant pour finalité la constitution d’une BSN (Bibliothèque Scientifique Numérique). Voir l’appel à projet.↩︎ 2014 pour la numérisation de ses collections patrimoniales, qui témoignent de la naissance de l’italianisme comme discipline universitaire dès 1895. Cette candidature n’aboutit pas. Ce premier échec est riche d’enseignements : l’intérêt et les enjeux de la numérisation d’un corpus d’imprimés du XIXe siècle – comme est celui qui constitue, à quelques exceptions près, l’essentiel des collections patrimoniales d’études italiennes du SID2 de Grenoble – sont incontestablement moins pertinents que la valorisation de patrimoines plus rares ou confidentiels, particulièrement manuscrits, qui peuvent faire l’objet d’éditions numériques savantes dont la plus-value est plus assurée, mettant en œuvre les outils et les méthodes des humanités numériques. Cela renforce la détermination de l’équipe à positionner le CADIST comme opérateur et médiateur au centre du réseau de coopération établi par le consortium, en laissant à la marge de Fonte Gaia son rôle de conservation et de valorisation de ses collections imprimées.

Fiche Ressources 2

RESSOURCES POUR CHOISIR ET CONSTRUIRE
Atouts Difficultés
Conditions institutionnelles Soutien de l’Université Stendhal ;
nombreux partenaires pressentis
Manque d’une convention de partenariat
Conditions intellectuelles Étude de faisabilité : à la fois outil de conviction, de planification et de pilotage
Conditions matérielles Modèle de cahier des charges de numérisation à la disposition des partenaires ;
3 737.50 € pour le développement de la plate-forme du SID2
Manque d’un budget pour la numérisation du premier corpus ; manque d’un budget pour l’archivage pérenne au CINES
Ressources humaines Équipe de numérisation à Grenoble ;
équipes mixtes réparties entre Grenoble et Paris : 3 conservateurs, un bibliothécaire, 5 enseignants-chercheurs, 3 doctorants
Manque de 50 % d’ETP d’Ingénieur d’Études pour une réalisation plus rapide de la plate-forme et le développement de métadonnées
Outils Omeka, ABBYY FineReader (reconnaissance de caractère pour édition de fichiers en mode plein texte après OCR), Acrobat PDF Pro

Troisième phase : coopérer

En 2014, notre priorité à été de donner au partenariat une forme juridique stable, qu’une convention de « Pôle Associé BNF », même étendue à des partenaires multiples, ne saurait lui assurer. Le cadre coopératif dans lequel Fonte Gaia se situe doit intégrer les exigences suivantes :

Plusieurs solutions sont envisagées : la création d’un GIS (Groupement d’Intérêt Scientifique), d’une SFR (Structure Fédérative de Recherche), d’un Consortium de recherche européenSur les spécificités de ces trois types d’associations scientifiques, voir le dossier établi par la Direction des affaires juridiques du CNRS, 2011.↩︎.

C’est cette dernière possibilité qui est retenue, de par sa souplesse et sa vocation foncièrement internationale. À ce jour, l’accord de création du Consortium CoBNIF a été signé par trois universités françaises et trois italiennesLes Universités Pierre Mendès-France – Grenoble 2 et Stendhal – Grenoble 3 sont engagées dans un processus de fusion, et deviennent Université Grenoble Alpes au 1er janvier 2016.↩︎. Il prévoit la création d’un Comité de Gestion, instance délibérative, et d’un Comité Scientifique, instance consultative. Chaque établissement ayant une personnalité juridique nomme un représentant au Conseil de Gestion, ainsi que les bibliothèques, qui disposent chacune d’une voix délibérative afin d’assurer leur représentativité.

Fiche Ressources 3

RESSOURCES POUR COOPÉRER
Actions Acteurs Difficultés
Rédaction / Traduction - confiée aux services juridiques des Universités Grenoble 2 et 3
- rédigée en collaboration avec les chercheurs et les bibliothécaires
> passée ensuite à un traducteur assermenté
- temps de rédaction (6 mois) et relectures multiples
- adapter le texte au cas particulier d’un projet prévoyant le libre accès aux contenus et la diffusion en Licence CC0 (« Creative Commons Domaine public ») des ouvrages patrimoniaux et en accès libre pour les contributions des chercheurs
Portage Responsables politiques, Vice-Présidents Recherche, ratification par les organismes de gouvernances des établissements Nécessite un soutien institutionnel. Un Vice-Président adjoint s’est vu confier la tâche d’accompagnement de l’accord de consortium de la rédaction à la signature
Financement Université Stendhal, SID2 Pendant les 6 mois de rédaction : 0,05 ETP de juriste ; 0.05 ETP de conservateur ; ETP des chercheurs non quantifiable
Traduction assermentée : 1 500 € TTC

Quatrième phase : évoluer

Entre 2014 et 2015, la méthode de travail est formalisée et on assiste à des avancées conséquentes. Les conditions matérielles et humaines évoluent et deux équipes se partagent le pilotage entre Grenoble et Paris 3. La première réunion du Conseil de Gestion de Fonte Gaia permettra d’élire un Coordinateur et de valider les priorités en termes de corpus à numériser, d’élargissement du Consortium à d’autres partenaires, et de recherche de financements.

Chaque partenaire s’engage à superviser une partie du programme, qui reporte la visée maximaliste de ses débuts à un projet européen ultérieur, pour développer des axes scientifiques plus cohérents : la présence intellectuelle italienne en France et inversement, la réception des œuvres, la circulation du livre et des idées, les échanges culturels, la traduction. À cette fin, personnels de bibliothèques et chercheurs poursuivent ensemble le repérage et l’analyse de corpus, à Paris 3 dans les collections de la Sorbonne, à Grenoble en associant les bibliothèques municipales au projet de valorisation des manuscrits et des imprimés italiens et italianistes, enfin avec la Médiathèque du Grand-Troyes pour valoriser les archives du traducteur Georges Hérelle. Au-delà de la volonté toujours affichée de produire des éditons commentées d’imprimés patrimoniaux, Fonte Gaia s’étend aussi aux éditions numériques savantes de manuscrits d’auteur ou de traducteurs et à la création d’interfaces innovantes pour la recherche et la pédagogie. La recherche de financements pour chacun de ces programmes est assumée par un porteur, chercheur ou bibliothécaire, au sein d’une équipe mixte (v. Fig. 7 Appels à projets et financements). L’enrichissement de la bibliothèque numérique par des opérations de moissonnage profond sur des corpus sélectionnés (p.ex. Gallica) est également mis à l’étude, ainsi que la connexion avec les grandes bibliothèques numériques italiennesDont notamment la Biblioteca italiana, le projet Sursum de l’Université de Turin, l’hémérothèque numérique de la Bibliothèque Nationale « Braidense » de Milan et la bibliothèque historique de l’Université de Bologne numérisée.↩︎.

Appels à projets et financements

Appels à projets soumis Type d’action financée Porteur(s) Montant éligible
AGIR-Pôle COMUE Grenoble-Alpes Bourse doctorale* Laboratoires et directeurs de thèse 61 000 €
Maison des Sciences de l’Homme de Grenoble (MSH-Alpes) Projet de recherche « Patrimoine et Culture Numérique » Chercheur Jusqu’à 5 000 €
ARC5 Région Rhône-Alpes Bourse doctorale Laboratoires et directeurs de thèse 61 000 €
ANR Jeunes Chercheuses-Jeunes Chercheurs Projet de recherche inscrit dans le Défi 8 « Sociétés innovantes, intégrantes et adaptatives » Chercheuse(r) (au plus 10 ans après la thèse) Jusqu’à 300 000 €
MESR CollEx Collections d’excellence et services à la recherche CADIST 10 à 40 % de la subvention initiale du CADIST concerné
MESR CollEx – appel à projets générique (à paraître fin 2015) Collections d’excellence et services à la recherche Bibliothèques, CADIST, consortia œuvrant à la valorisation des collections d’excellence n.c.
* Le contrat doctoral financé par le biais de l’appel à projets « AGIR-Pôle » vise à développer en trois ans le projet UI-FG, Les utilisateurs et leurs interfaces. Le cas de Fonte Gaia. Il s’agit de mener une étude sur les différents cas d’usages des bibliothèques numériques en fonction des profils des usagers, ainsi que de réaliser des scénarii pour le projet Fonte Gaia Bib, et une architecture logicielle qui tiennent compte des études de l’existant et des enquêtes menées auprès des chercheurs et des autres catégories de public.

La principale réalisation de l’année 2015 est la création de Fonte Gaia Blog sur la plate-forme Hypothèses d’OpenEditionOpenEdition est une plate-forme d’édition en libre accès conçue pour la diffusion et la valorisation de la recherche à quatre niveaux : les livres (OpenEdition Books), les revues (Revues.org), les blogs (Hypothèses) et les actualités de la recherche (Calenda). En savoir plus.
Lire aussi les contributions du concepteur d’OpenEdition, Marin Dacos, en particulier sur le blog LÉO (L’Édition Électronique Ouverte).↩︎
. Elle marque l’entrée de Fonte Gaia dans une dimension coopérative transnationale et fait exister le programme sur les réseaux sociaux scientifiques. Si le choix de la plate-forme Hypothèses paraissait évident, tant par l’efficacité et la simplicité des outils qu’OpenEdition met à disposition que par les valeurs qu’elle défend, et dont les bibliothécaires sont des promoteurs de la première heure, l’organisation du comité de rédaction est plus ambitieuse. En avril 2015 est organisé un atelier auquel sont conviés vingt jeunes chercheurs, sur le modèle des « Unconferences » promues par THAT Camp« Unconference » au sens de conférence en open space et participative, selon un modèle de rencontre académique « différente » qui a été lancé et est devenu populaire au sein d’une communauté qui se réunit autour des humanités numériques. Un exemple de « unconference » qui nous intéresse particulièrement est celui de THATCamp (The Humanities and Technology Camp), crée en 2008 et qui a vu notamment la participation de chercheurs, conservateurs et archivistes réunis autour d’une même réflexion. Ce type de non-conférence participative, informelle, non hiérarchique et à forte visée pratique et créative nous a semblé correspondre à l’esprit de notre initiative. En savoir plus sur THATCamp.↩︎ : le programme n’est pas établi à l’avance, mis à part quelques points méthodologiques d’initiation à l’usage de WordPress ; les débats sont ouverts ; les règles éthiques sont écrites en commun. L’objectif est d’établir la ligne éditoriale, de choisir les rubriques et les sujets, de distribuer les responsabilités. Un débat est consacré à l’usage qui peut être fait des réseaux sociaux pour promouvoir le blogVoir à ce sujet les comptes rendus de l’atelier et les vidéo-interviews visibles dans le billet « Le workshop en images » d’Anna Ingoglia, Fonte Gaia Blog, 2015.↩︎. Ce mode de communication paraît adapté aux chercheurs, ce qui a été confirmé depuis par les statistiques de la fréquentation de Fonte Gaia Blog : à titre d’exemple, en juin 2015, 80% des 1 600 visiteurs différents comptabilisés accèdent au blog via un lien direct depuis Facebook.

La plate-forme Fonte Gaia Bib, distincte désormais de celle du SID2 pour des raisons de lisibilité et de représentativité des membres du Consortium, est également en cours de réalisation, à la faveur d’un financement du MESR. En capitalisant sur les acquis de la première plate-forme du SID2, le web design est retravaillé à moindres frais pour intégrer une charte graphique propre à Fonte Gaia et améliorer l’ergonomie tout en conservant le thème précédemment développé. Des changements beaucoup plus profonds ne seront intégrés que plus tard, au fil des conclusions de la doctorante recrutée pour analyser les besoins en matière d’interface.

COÛTS DE DÉVELOPPEMENT DE LA PLATE-FORME AVEC OMEKA
2013. Développement de la plate-forme de bibliothèque numérique pluridisciplinaire du SID2 sous Omeka, V1
Création d’une charte graphique et intégration du web design ; feuilles de style ; tests 3 737.50 € TTC
2014. Développement de la plate-forme de bibliothèque numérique pluridisciplinaire du SID2 sous Omeka, V2
Développement et intégration du module « Expositions virtuelles »
Développement et intégration de la version web responsive
Formation de l’Ingénieur d’Études du SID2 pour maintenance et suivi
1 920 € TTC
4 590 € TTC
825 € TTC
2015. Développement de la plate-forme indépendante Fonte Gaia Bib sous Omeka
Migration vers la nouvelle version d’Omeka 2.4
Développement et intégration du web design pour 5 pages
1 500 € TTC
3 700 € TTC
TOTAL 16 272.50 € TTC

Ressources pour la phase 4

RESSOURCES POUR ÉVOLUER
Atouts Difficultés
Conditions institutionnelles Consortium finalisé Nécessité de poursuivre l’effort d’intégration de nouveaux partenaires
Conditions matérielles 19 000 € MESR
61 000 € bourse doctorale COMUE Grenoble
Manque un budget pérenne pour l’archivage au CINES
Ressources humaines Équipes structurées, projet de doctorat Manque 20 % ETP d’un Ingénieur Études

Le travail mené jusqu’ici nous permet de tirer un premier bilan, tout d’abord sur l’esprit et le chemin qui nous a conduits à la création du Consortium. Il s’est agi d’un processus, certes, long et qui nous a semblé par moments peu concluant, mais sa mise en place et, en particulier, sa structuration par le biais d’un cadre juridique sont sans aucun doute des étapes préalables difficilement contournables. Une fois le partenariat formalisé, cependant, l’on se rend compte que cette structure est riche de possibilités et féconde sur les plans des synergies qui se mettent en place et des opportunités d’évolution. D’une part, la répartition du travail est moins aléatoire et moins volontariste, d’autre part se multiplient et se renforcent les possibilités de réponses à des appels à projets et à financements, aussi bien pour ceux réservés aux chercheurs que pour ceux dédiés aux bibliothécaires. Aujourd’hui, dix enseignants-chercheurs et conservateurs français et italiens pilotent le projet ; dix jeunes chercheurs contribuent au carnet de recherche. Fonte Gaia Bib est en rapide évolution suite à un dense calendrier de numérisation d’ouvrages d’exception et à la mise en place d’un cahier de charges et d’une feuille de style pour les commentaires et paratextes des chercheurs. Fonte Gaia Blog, de son côté, nous a permis de créer une vraie communauté intellectuelle et culturelle autour du projet et une belle vitrine pour tout événement et débat lié. Le modèle de la science participative a été essentiel pour nous afin de pouvoir cibler de manière précise le public et les contributeurs avant même de diffuser des contenus. Les retombées attendues pour la recherche consistent autant dans la création d’outils mutualisables, que de publications scientifiques (incluant des éditions génétiques et numériques), de ressources documentaires et de services d’accompagnement au montage de projets.

Références
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« Adobe Acrobat Pro ». 2015.
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« Bibliothèque Numérique de Rennes 2 ». 2017. http://bibnum.univ-rennes2.fr/.
« Bibliothèque Numérique PULSAR ». 2017. http://pulsar-bu.univ-lorraine.fr/.
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« FonteGaiaBlog ». s. d. http://fontegaia.hypotheses.org/.
« Hydraulica ». 2017. http://hydraulica.grenet.fr/.
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Kok, Véronique de. 2014. « De la nécessaire rénovation du réseau des CADIST ». Arabesques, nᵒ 74: 6‑7.
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Contenus additionnels

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Filippo Fonio

Filippo Fonio est maître de conférences en littérature italienne à l’ Université Grenoble Alpes et membre du LUHCIE (Laboratoire universitaire Histoire, cultures, Italie, Europe ; EA 7421) de l’Université Grenoble Alpes. Il fait partie du groupe fondateur du projet Fonte Gaia, auquel il travaille depuis 2009. Ses intérêts de recherche portent en particulier sur la culture et la littérature franco-italiennes de la fin du XIXe-début du XXe siècles, sur le médiévalisme dans la culture moderne et contemporaine et sur l’apprentissage des langues vivantes et des langues anciennes par la pratique théâtrale. Il est aussi bibliophile, metteur en scène et comédien.

Claire Mouraby

Claire Mouraby est ancienne élève de l’ENSSIB (École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques), formation qu’elle a intégrée après des études d’italien, et est actuellement conservatrice de bibliothèque au SID UGA INP (Service interétablissement de la documentation) de Grenoble, responsable du CADIST d’italien (Centre d’acquisition de la documentation et de l’information scientifique et technique). Elle est membre fondateur du projet Fonte Gaia , auquel elle travaille depuis 2009. Ses missions de conservatrice comprennent l’accompagnement de la recherche et de la formation et l’encadrement de mémoires et de stages. Elle a une expérience de création et d’animation de blogs littéraires et scientifiques et mène en parallèle des activités de création artistique et d’animation culturelle.